
« J’ai été licencié de DBS après une déclaration controversée d’un invité en faveur de Maurice Kamto dans une émission, ainsi que pour ma rigueur dans la gestion de la rédaction, un héritage de mon passage à Équinoxe TV. »
Voici la publication complète d’Auréole TCHOUMI
Les faits sont sacrés !
Nommé Rédacteur en Chef en janvier, j’ai soutenu, durant trois mois, la Rédaction à mes frais personnels, avec le concours loyal de Roméo Ngoula et de Vanessa Ndé Chuwong. J’ai dépanné le véhicule de la Rédaction avec des fonds propres (batterie, radiateur, roues), financer pendant le mois de février le carburant, toujours avec mes fonds propres. La Rédaction a fonctionné 5 à 6 jours par semaine, sans jamais avoir perçu le moindre radis de l’entreprise. Quand je ne pouvais trouver des sous, Vanessa me venait en aide, pour que des équipes puissent sortir après la conférence de Rédaction.
Sous mon impulsion, une émission d’entretien dominical voit le jour et rencontre rapidement un franc succès., malgré de nombreux coups bas en interne pour que je ne la produise pas. D’ailleurs comment je lance ? En recyclant un vieux plateau qui était déjà parqué dans un coin de l’entreprise depuis des années. Un soir, alors que je reçois en direct Pierre Emmanuel Binyam, la diffusion est brutalement interrompue, à la 52e minute. Le motif évoqué tient à une déclaration de l’invité, selon laquelle »Kamto sera candidat, même si investit par une autre formation politique. D’ailleurs même si Maurice Kamto n’est pas candidat, les forces du changement vont tout faire pour que Paul Biya perde l’élection présidentielle d’octobre. Notre seule stratégie c’est la surveillance active du scrutin. sur l’étendue du territoire National. Une chose est sûre, si on s’y met tous, Paul Biya ne gagnera pas en octobre ». Une phrase jugée suffisamment subversive pour justifier une coupure immédiate de l’émission en direct. Il m’est par ma suite exigé de ne plus recevoir les opposants, chose que je refuse instantanément, en rappelant que les opposants sont le coeur de cible de mon émission. À ce moment et bien avant, j’étais déjà une cible à abattre.
Par ailleurs, l’atmosphère qui règne au sein de l’entreprise est digne des scénarios de Nollywood : l’organisation est chaotique, l’entreprise fonctionne sans aucune logique managériale, et seule la Rédaction que je pilote s’efforce de maintenir une certaine excellence éditoriale, nourrissant l’espoir d’un redressement futur.
Il y a deux semaines, lors d’une conférence de rédaction, à l’initiative d’un fils du »système DBS, » un exercice d’évaluation interne de notre environnement de travail est entrepris : analyse des Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces (SWOT). L’objectif est d’établir un diagnostic précis, concis et pertinent de la situation, assorti de propositions de réforme à soumettre au Coordonnateur Général Moussa Ousseini.
Ce jour, l’entreprise prend feu. »Les gens de Tchoumi » ont dit qu’il y a des incompétentes à DBS, qu’on paie les salaires aux gens qui ne travaillent pas, que le système de l’entreprise est plus familial que professionnel… Ça boue dans les couloirs, les bureaux, ça crie, ça râle…trop c’est trop, on ne veut plus de Tchoumi et ses gens ici, qu’ils nous laissent comme on était avec notre DBS.
Moussa arrive vers 13h sous la pression d’une kyrielle d’appels téléphoniques. Le cataclysme se poursuit : son bureau est assiégé pendant plus de trois heures par »la famille », »le village », dans une ambiance où prédominent les cris, les injures, l’usage du patois et des invectives de toute sorte.
De cette pseudo-réunion de crise découlent des décisions aux effets immédiats :
– Auréole Tchoumi est démis de ses fonctions de Rédacteur en Chef et rétrogradé au poste de »simple journaliste », avec sommation de restituer sous 48 heures les clés de son bureau.
– Deux journalistes sont sanctionnés d’un mois sans salaire.
– Deux collaboratrices sont purement et simplement exclues du projet pour avoir dit qu’elles ne peuvent plus sortir leur argent pour aider le REC à financer la Rédaction, on ne peut pas être chez un Milliardaire et travailler dans des conditions aussi exécrables.
Lorsque, accompagné des sanctionnés, je parviens à obtenir une entrevue avec Moussa Ousseini, le Coordonnateur Général, celui-ci présente des excuses confuses. Il justifie ces mesures arbitraires par la nécessité de »calmer » »sa famille » et avance, sans détour : »Je ne sais pas pourquoi on ne vous aime pas ici ; Mais comprenez-moi, c’est pour votre bien que je fais ça. Si je ne signais pas ça je vous jure que l’entreprise allait brûler, toutes mes sœurs allaient partir, même Majesté mon cousin. Sachez que même Tchoumi, que j’apprécie beaucoup, est ici en danger de mort. Il a initié trop de réformes, et vous savez avec moi, Tchoumi a changé beaucoup de choses et les gens n’aiment pas ça. Ils m’ont dit qu’ils veulent rester comme ils étaient, pas avec quelqu’un qui fait comme Atanga Nji. Tchoumi tu as traumatisé les gens avec ta rigueur. Pour moi ce n’est pas mauvais, j’aime ça, parce que le rendement est là on voit, mais calmons le jeu. J’aime beaucoup Tchoumi et pour le protéger, je donne d’abord à ces gens ce qu’ils réclament. Ils ne veulent plus de lui ici, mais moi je sais comment faire. Je m’écarte d’abord et le moment venu, je leur démontrerai leur incapacité à égaler son rendement. Là Tchoumi va reprendre ses fonctions. Voilà comment on règle les problèmes quand c’est brûlant. Que les sanctionnés partent d’abord pour apaiser la situation, et je vous rappellerai tous. Ça tombe même bien parce qu’on ne peut pas produire pour le moment, le technicien demande 400 mille pour dépanner l’ordinateur de la réalisation. Donc le temps qu’on dépanne ça je sais que les choses vont déjà se calmer. »
À la suite de cette conversation ubuesque, je décide de me solidariser avec les collègues injustement sanctionnés et de quitter pas seulement mon bureau, mais l’entreprise.
Il convient de noter que l’instigateur initial de l’évaluation SWOT pourtant à l’origine du processus, n’a, quant à lui, subi aucune conséquence. L’opération se révèle être un piège savamment orchestré pour fragiliser ceux que l’on associait à « l’équipe de Tchoumi ».
Le Coordo dira même par la suite à plusieurs collaborateurs, »Tchoumi voulait prendre ma place. Il travaillait comme ça pour que Baba le nomme ». Donc le coup était bien huilé pour avoir la tête de Tchoumi et des »gens de Tchoumi ».
Loin des ragots, voilà les faits. Ils sont sacrés.
Il est hyper difficile d’évoluer dans un environnement profondément malsain, où règnent le clientélisme familial, l’irrespect hiérarchique, l’absence de professionnalisme et des pratiques contraires aux règles éthiques élémentaires.
De janvier à Avril, le niveau est monté d’un cran et j’en suis ravi. Quel genre de REC j’étais ? Celui qui place le journaliste au centre des préoccupations et l’information au centre de l’activité rédactionnelle. Mon crédo : »je ne veux pas entendre parler de gombo en entreprise. Si on vous donne 10 francs sur le terrain, c’est pour vous, j’attends mon papier à l’antenne ». Un héritage que je garde d’Equinoxe TV d’où je puise toute ma rigueur quand je dirige une Rédaction.
Suis-je rigoureux? Oui et je le serai encore plus, chaque fois qu’il s’agira d’élever le niveau d’un média.
Auréole TCHOUMI
