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L’influenceur Steve Fah voit dans sa décoration au grade de Chevalier du mérite camerounais le 20 mai 2025 le fruit de son travail acharné.
” Merci à ma famille, à mes fans, à tous ceux qui m’ont soutenu pendant ces dix années de travail acharné sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, je reçois cette médaille non seulement pour moi, mais pour toute une génération. Je suis peut-être le premier influenceur web à être décoré ainsi, mais je ne veux pas être le dernier. Que cela soit une lueur d’espoir pour tous les jeunes : le travail, le patriotisme et le dévouement finissent toujours par parler. Même quand on pense qu’on ne nous voit pas, la patrie regarde. Et elle sait récompenser. Ce n’est pas juste une médaille. C’est un symbole. Celui qui dit à chaque jeune Camerounais : tu peux rêver, tu peux y arriver, même en partant de rien.”
Mais pour l’analyste politique camerounais Jean Pierre Du Pont, cela prête à ironie, en s’inspirant du roman “Le vieux Nègre et la médaille” de Ferdinand Oyono.
Tribune Libre
Jean-Pierre Du Pont
Le jeune nègre et la médaille.
Il s’appelait Steve Fah Meka. Un jeune vieux. Un enfant né vieux et mal né en somme . Dans l’ancien français , on disait un avorton, flémard et traînard . De ceux dont les épaules ploient moins sous le poids de l’âge que sous celui des illusions perdues. Il avait appris tôt à dire “oui” à toutes les formes de soumissions et salissures , avec le sourire, même quand tout en lui criait “non”. Il avait offert ses mains, ses mots, sa langue même, tordue et ultimement son postérieur comme réceptacle de toutes les impuretés immondes , pour s’accorder aux accents des maîtres.
Un jour, on lui promit l’honneur supprime et sublime . Une médaille.
La nouvelle fit le tour du village plus vite qu’un feu de brousse. Ce n’était pas tous les jours qu’un fils du terroir , l’homme qui pisse ostensiblement à gauche , était décoré. Le chef enfila sa gandoura amidonnée, les vieilles dansèrent à peine, les enfants, eux, regardaient les biscuits importés comme des reliques venues d’ailleurs.
Steve avançait lentement, vêtu de son plus beau boubou. Son regard flottait dans le vide. On l’honora. On lui accrocha au cou un petit disque de métal peint aux couleurs d’un drapeau qu’il récitait sans y croire. Pour “bons et loyaux services”, disait-on. Pour avoir su plier l’échine plus bas que les autres, et sourire pendant qu’on le piétinait.
La cérémonie fut brève. Les photos furent prises. Les notables repartirent le ventre plein.
Lui rentra seul, à pas lents. Son toit fuyait, sa marmite était vide, mais à son cou brillait la médaille. Une médaille lourde de silence, de renoncements, de souvenirs qui ne racontaient plus rien.
Il mourut quelques saisons plus tard. On n’annonça pas son départ. Mais dans un vieux tiroir poussiéreux, quelqu’un trouva encore suspendue cette médaille, preuve dérisoire qu’il avait, un jour, été utile à l’ordre établi.

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